16/06/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Et la montagne plongea dans l’océan

01/11/2014
La falaise de Qingshui s’élève presque à la verticale depuis l’océan Pacifique. (YEH MING-YUAN)

La falaise de Qingshui (aussi retranscrite par Chingshui) se dresse entre les villages de Heping et de Chongde, tous deux situés sur le territoire de la commune de Xiulin, dans le district de Hualien. L’endroit est inclus dans le périmètre du Parc national de Taroko, dont c’est d’ailleurs la seule portion littorale.

La voie rapide de 118 km qui relie Su’ao, au nord, à Hualien, au sud, passe à flanc de falaise – 12 km qui commencent au tunnel de Heren et se terminent à celui de Chongde. La falaise s’élève en moyenne à plus de 800 m au-dessus du niveau de la mer, dans laquelle elle plonge à pic, ce qui rend la conduite sur cette portion de route particulièrement spectaculaire.

Le parc national de Taroko, souligne Lin Mao-yao [林茂耀], l’un de ses guides, englobe plusieurs sommets, dont les monts Liwu, Qianliyan et You’an. Le plus proche du littoral est le mont Qingshui, dont un flanc plonge dans la mer.

Une formation lente

Il y a environ neuf millions d’années, au large de ce qui est aujourd’hui la côte de Hualien, la plaque eurasiatique et celle de la mer des Philippines ont commencé à entrer en collision, un mouvement lent et progressif qui a soulevé l’écorce terrestre et entamé un processus de formation de montagnes appelé orogenèse. Ce processus a donné naissance à de nombreux pics, dont le mont Qingshui.

Les vagues s’écrasant sur la roche soulignent la majesté de la falaise. (JIMMY LIN / TAIWAN PANORAMA)

Quand deux plaques tectoniques se rencontrent, des failles apparaissent. Liou Ying-san [劉瑩三], professeur au département d’Etudes environnementales et de Ressources naturelles de l’Université nationale Dong Hwa, à Hualien, explique que le sommet du mont Qingshui n’est distant du littoral que de 5 km, et qu’une partie de cette montagne a été soulevée à cause de la faille qui la traverse, créant un escarpement. Des falaises comme celle-ci, poursuit l’universitaire, ont tendance à suivre l’orientation de la faille. Si celle-ci est fortement orientée à la verticale, l’escarpement est alors particulièrement abrupt, comme c’est le cas à Qingshui.

Qui dit faille, dit séismes. Sur ce plan, note Liou Ying-san, la falaise de Qingshui se trouve précisément à l’endroit où la plaque de la mer des Philippines, qui avance vers le nord, s’incurve et plonge sous la plaque eurasiatique. Avec deux autres zones situées sous le plancher océanique au large de Hualien, c’est là que sont le plus souvent localisés les épicentres des séismes venant secouer la région.

Un obstacle à franchir

L’orogenèse et l’activité de la faille ont façonné la côte de Hualien de telle sorte que, jusqu’au 19e s., la région est restée largement à l’écart du reste de l’île. Ainsi, quand, au 17e s., les Hollandais et les Espagnols ont prospecté l’or sur la côte orientale de Taiwan, ils ont dû contourner la falaise par la mer.

Des siècles d’érosion marine ont mis à jour des strates d’une beauté exceptionnelle. (JIMMY LIN / TAIWAN PANORAMA)

Jusqu’en 1874, l’est de Taiwan est donc pratiquement coupé du monde extérieur. L’empire chinois ne contrôle en fait que la plaine occidentale et le nord de Taiwan. Les montagnes centrales et la côte orientale restent le territoire des tribus aborigènes, ceux que la cour des Qing appelle les « sauvages ». En 1874, toutefois, l’envoi par le Japon d’une expédition punitive répondant au massacre, quatre ans plus tôt par des aborigènes formosans, de 54 habitants des îles Ryukyu qui erraient dans la partie centrale de Taiwan après le naufrage de leur bateau – un événement connu à Taiwan comme l’incident de Mudan –, pousse la cour des Qing à dépêcher sur place Shen Baozhen [沈葆禎], l’un de ses plus brillants fonctionnaires. Ce dernier est chargé de résoudre la crise diplomatique avec les Japonais, mais aussi d’« ouvrir les montagnes et pacifier les sauvages ».

Sa première décision est de percer, en direction de la côte orientale, trois liaisons terrestres partant du nord, du centre et du sud de Taiwan. Celle au nord, connue aujourd’hui sous le nom d’ancien sentier de Suhua, relie Su’ao à Hualien. Son ouverture, en 1875, permet aux autorités d’effectuer leur première incursion dans ces territoires.

Plus tard, après que la souveraineté de l’île de Taiwan a été transférée au Japon à l’issue du Traité de Shimonoseki en 1895, le Japon lance la construction d’une route côtière entre Su’ao et Hualien, laquelle est achevée en 1932. L’ancien sentier de Suhua et la route côtière construite par les Japonais sont toujours praticables aujourd’hui. Ils offrent des points de vue de choix sur la falaise de Qingshui.

Sur la plage située au pied de la falaise, les affleurements de marbre offrent un contraste saisissant. (JIMMY LIN / TAIWAN PANORAMA)

La voie rapide actuelle suit un tracé proche. A la sortie du tunnel de Heqing, dit Liou Ying-san, on a une vue imprenable sur les lignes sinueuses de la falaise. Si le temps est clément, on peut aussi apercevoir l’embouchure de la Liwu, le mont Meilun et la chaîne côtière de montagnes.

Qui plus est, le Parc national de Taroko a balisé trois sentiers, ceux de Heren, de Huide et de Chongde, qui descendent tous vers la mer. Celui de Heren est recommandé par le guide Lin Mao-yao. Il part de l’entrée du parc, juste au nord de la borne marquant l’entrée dans Heren. Long de 160 m, il rejoint une plage de gravier en contrebas, où l’on peut découvrir de merveilleuses grottes en partie submergées. A l’approche de la falaise, on y distingue des veines de quartz serpentant à travers la roche grisâtre, telles de longues écharpes blanches.

Les roches les plus anciennes de la falaise de Qingshui datent de 250 millions d’années. Elles sont principalement constituées de schiste, de gneiss et de marbre, des roches assez répandues à Taiwan mais qui sont ici directement visibles grâce à la lente érosion à laquelle a été soumise la paroi, directement exposée aux éléments. Les bateaux de croisière et d’observation des cétacés qui naviguent entre Hualien et Su’ao offrent un point de vue privilégié sur ces merveilles.

Dès les années 50, la falaise de Qingshui a logiquement fait l’objet d’une importante promotion touristique, au même titre que d’autres sites incontournables comme les gorges de Taroko, mais aussi le lac du Soleil et de la Lune, dans le district de Nantou, le fort Zeelandia, à Tainan, ou encore le massif d’Alishan, dans le district de Chiayi. Qu’on l’observe depuis la route, le long d’un sentier, à bord d’un bateau ou sur la plage qu’elle domine, la falaise de Qingshui mérite sa réputation de panorama à couper le souffle.

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